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Propagande iranienne à l’étranger : le Hezbollah en Argentine

novembre 8, 2020
Lecture de 18 minutes
Avec sa tradition politique ancrée dans la gauche socialiste, l’Amérique latine propose un cadre idéal pour la propagation de la doctrine révolutionnaire iranienne épousée par le Hezbollah.
Avec sa tradition politique ancrée dans la gauche socialiste, l’Amérique latine propose un cadre idéal pour la propagation de la doctrine révolutionnaire iranienne épousée par le Hezbollah.
L’attentat contre l’AMIA à Buenos Aires, avec la complicité de l’ambassade iranienne en 1994 est considéré comme la pire attaque terroriste de l’histoire de l’Argentine.
L’attentat contre l’AMIA à Buenos Aires, avec la complicité de l’ambassade iranienne en 1994 est considéré comme la pire attaque terroriste de l’histoire de l’Argentine.
15 août 2015 : Le procureur Nisman est retrouvé mort. Le lendemain il devait présenter au congrès les conclusions de son enquête sur le Hezbollah et les agissements iraniens en Argentine.
15 août 2015 : Le procureur Nisman est retrouvé mort. Le lendemain il devait présenter au congrès les conclusions de son enquête sur le Hezbollah et les agissements iraniens en Argentine.
Des groupes révolutionnaires comme l’Organisation pour la libération de l’Argentine (OLA) vantent les mérites du Hezbollah et de ses dirigeants.
Des groupes révolutionnaires comme l’Organisation pour la libération de l’Argentine (OLA) vantent les mérites du Hezbollah et de ses dirigeants.
Un portrait de Cristina Kirchner est brandi à côté de celui du chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, pendant une manifestation du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP).
Un portrait de Cristina Kirchner est brandi à côté de celui du chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, pendant une manifestation du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP).
Des membres proéminents du Hezbollah et des fonctionnaires iraniens auraient infiltré l’école de journalisme de La Plata avec la bénédiction de sa doyenne, Florencia Saintout, en photo ci-dessus.
Des membres proéminents du Hezbollah et des fonctionnaires iraniens auraient infiltré l’école de journalisme de La Plata avec la bénédiction de sa doyenne, Florencia Saintout, en photo ci-dessus.

lundi 12 octobre 2020

Depuis des siècles, les régimes autoritaires cherchent à s’assurer le contrôle de leur image.

Plus l’état est violent, répressif et irresponsable, plus il se soucie du regard des autres : celui de ses propres citoyens, et celui dautres états et acteurs internationaux.  

La république islamique d’Iran illustre parfaitement ce constat puisque chaque année, d’importantes sommes provenant de fonds publics iraniens sont transférées à des institutions favorables au régime et actives à l’étranger. Leur objectif : améliorer l’image fragile de l’Iran sur la scène internationale et diffuser les principes idéologiques de la république islamique. 

Ces entreprises pro-iraniennes représentent, quelquefois à leur insu, le régime au sein de la diaspora iranienne. Parmi elles se trouvent des médias comme le service Radio-Télévision de la République islamique d’Iran (IRIB) et la chaine Press TV, mais aussi des organes de désinformation, des institutions culturelles et des associations locales financées par le régime

Dans cette série d’articles, les journalistes d’Iran Wire ont enquêté sur les modes de diffusion de la propagande de la république islamique d’Iran à travers le monde. Nous avons travaillé avec des journalistes de différents pays pour identifier les soutiens du régime iranien, leurs méthodes de propagande, et leurs effets désastreux sur les sociétés locales.

La journaliste argentine Florencia Montaruli, explique dans ce premier document comment le Hezbollah, allié notoire de l’Iran, et la république islamique sont parvenus à attirer les faveurs de l’Argentine et de la région des trois frontières en Amérique latine.

Certains médias argentins affiliés au Hezbollah cherchent depuis plusieurs années à exporter la vision politique et religieuse de la république islamique de l’Iran. Pour cela, ils ont mis en place des bases de soutien pour le Hezbollah au sein du pays, dans le but d'affaiblir les autorités locales. Selon des révélations de l’Institut de recherche des médias du Moyen-Orient (MEMRI), l’Iran aurait investi massivement dans des organisations en Argentine qui aurait ensuite joué les intermédiaires. Ces organismes reçoivent des aides financières et politiques et se reposent sur un réseau de médias hispanophones leur permettant de s’adresser directement à un public argentin et sud-américain.

 

Présence du Hezbollah en Argentine

 

Deux importantes attaques terroristes endeuillent l’Argentine au début des années 1990, et viennent salir pour les décennies à venir les relations que le pays entretient avec l’Iran et son émissaire à l’étranger, le Hezbollah. Le 17 mars 1992, un attentat suicide à l’ambassade israélienne de Buenos Aires fait 28 morts. 300 blessés sont à déplorer, dont quatre membres du personnel diplomatique. 

 

Deux ans plus tard, le 18 juillet 1994, une nouvelle explosion fait 85 victimes et plus de 300 blessés dans le foyer d’une organisation juive, l’Association mutuelle israélite argentine (AMIA). Cet attaque à la bombe est encore considérée aujourd’hui par les autorités du pays comme la pire attaque terroriste de l'histoire de l'Argentine, et sans doute l'une des attaques les plus graves contre la communauté juive commise après la Seconde Guerre mondiale.

 

Chacune de ces attaques est immédiatement revendiquée par des groupes liés au Hezbollah. La branche armée de l’Organisation du Jihad islamique du Liban (IJO) – ancien nom de guerre du Hezbollah – est identifié par la cour suprême de l’Argentine comme le responsable de l’attaque de l’ambassade israélienne. L’attaque de l’AMIA est quant à elle revendiquée par le groupe Ansar Allah qui signifie « Supporters de dieu ». Cet autre front du Hezbollah clame « le besoin de combattre le sionisme n’importe où dans le monde. »

 

La CIA et l’agence de renseignement israélien du Mossad pointent du doigt les types d’explosifs utilisés dans les deux attaques, et que l’on retrouve chez des groupes terroristes pro-iranien comme le Hezbollah. De plus, selon le juge argentin, les deux attaques ont été causées par l’arrêt de la coopération entre l’Argentine et l’Iran dans les domaines du nucléaire et de la recherche. Ainsi, en 1996, les conclusions de l’enquête sur l’attaque de l'AMIA mettent en évidence la responsabilité conjointe de l'Iran et du Hezbollah. Cette année-là, quatre Iraniens qui travaillaient à l'ambassade d'Iran en Argentine sont arrêtés. Quelques années plus tard, huit membres du personnel de l’ambassade affirment que l'ancien attaché culturel iranien, Mohsen Rabbani, a été l'un des principaux architectes de cet attentat.

 

Avec sa tradition politique ancrée dans la gauche socialiste, l’Amérique latine propose un cadre idéal pour la propagation de la doctrine révolutionnaire iranienne épousée par le Hezbollah, mais aussi une solide base d’opérations pour semer la terreur. Pire encore, certains gouvernements de la région prennent des mesures qui permettent au Hezbollah de prospérer.

 

Plus de vingt ans après les attentats de l'ambassade d'Israël et de l'AMIA, le procureur argentin Alberto Nisman dénonce un accord illégal passés entre les autorités argentines et iraniennes qui, selon lui, aurait fait disparaitre les «notices rouges» d’interpol rattachées aux huit suspects Iraniens de l’attaque de l'AMIA. Nisman décrit une «décision délibérée de la présidente de l'Argentine, Cristina Elizabeth Fernández de Kirchner, de dissimuler les suspects Iraniens ... mise à exécution par le ministre des Affaires étrangères, Héctor Timerman».

 

Nisman précise ces propos après avoir analysé le réseau de Mohsen Rabbani, l’ancien attaché culturel de l’ambassade iranienne dans les années 1980 qui avait dirigé des cellules d’intermédiation iraniennes en Amérique latine. Des agences de renseignement brésiliennes et argentines l’avaient par ailleurs également identifié comme étant le coordonnateur d’un réseau de recrutement de jeunes sud-américains à travers la promotion de prétendues « études islamiques en Iran. »

 

Nisman expose, dans un acte d’accusation de 500 pages, les méthodes employées pour faire proliférer en Amérique latine un terrorisme fondamentaliste sponsorisé et financé par l’Iran, à la vue de tous. De nouvelles preuves lui permettent également de prouver le degré élevé de responsabilité de Mohsen Rabbani dans l’attaque de l’AMIA, et sa participation active dans les infiltrations du régime iranien dans les affaires argentines. « Le citoyen iranien Mohsen Rabbani, écrit-il, continue de prendre des décisions et de servir le régime de Téhéran en envoyant des fonds à des structures qu’il a mises en place en Argentine durant la décennie précédant l’attaque de l’AMIA, structures sur lesquelles il a toujours la main aujourd’hui avec ses adjuvants. »

 

Alberto Nisman est retrouvé mort chez lui, à Buenos Aires, le 18 janvier 2015, soit quelques jours après avoir présenté son postulat à la télévision et la veille de sa convocation au Congrès. Le gouvernement de Cristina Kirchner de l’époque conclut au suicide, et lance à son encontre une campagne de diffamation dans les médias. Le rapport d’enquête de Nisman indique notamment p.208 que Kirchner aurait demandé à Rabbani en passant par des intermédiaires de «préparer une annonce à destination des médias affirmant que l’Argentine et l’Iran travaillaient ensemble à l’évaluation d’une « commission vérité »». Cette annonce aurait été un écran de fumée pour tromper le peuple argentin.

 

L’enquête de Nisman est le plus important témoignage à disposition sur l’émergence du Hezbollah en Argentine et en Amérique latine. Sa mort déclenche de nouvelles enquêtes journalistiques. L’une d’eux est publié en mars 2015, deux mois après la mort de Nisman, par un journaliste d'investigation brésilien respecté, Leonardo Coutinho, qui dénonce la présence de groupes extrémistes islamiques au Brésil et en Argentine. «Bien qu’aucune attaque terroriste n’ait été commise par des extrémistes musulmans sur son territoire, écrit-il, c’est depuis le Brésil que les attaques de l'ambassade d'Israël et de l'AMIA en Argentine ont été plannifiées».

 

En juillet 2019, le nouveau gouvernement désigne enfin le Hezbollah comme organisation terroriste emboitant le pas des Etats-Unis et du Royaume-Uni. L’Unité d’information financière de l’Argentine gèle les avoirs du groupe dans le pays et déclare que « le Hezbollah continue de représenter une menace pour la sécurité et l’intégrité de l’ordre économique et social du pays. » La décision provoque un mouvement de critiques provenant d’entités argentines liées au Hezbollah. Elles sont localisées dans la région frontalière avec le Brésil et le Paraguay, connue sous le nom de zone des trois frontières.

 

Le Hezbollah et la zone des trois frontières

 

La zone des trois frontières s’étend une surface de 200 kilomètres carrés, dans un rayon de 20 km. Elle englobe trois grandes villes, une dans chacun des pays limitrophes: Puerto Iguazu côté argentin, Foz do Iguacu au Brésil et Ciudad del Este au Paraguay. Ses frontières sont poreuses délimitent une zone de non droit où la prévalence du crime organisé en fait une base arrière de choix pour le Hezbollah dans la région. Des services de renseignement identifient  pour la première fois des résidents libanais liés au Hezbollah dans la zone des trois frontières en 2001. La région représente une source majeure de financement des activités terroristes du Hezbollah, comme la radicalisation des communautés de la diaspora, le blanchiment d’argent, l’extorsion, les enlèvements et le trafic de stupéfiants.

 

Matthew Levitt, chercheur au think tank américain Washington Institute, note en 2016 que l’Iran et le Hezbollah restaient « hyper actifs » en Amérique latine. « Depuis le début des années 1980 au moins, ajoute-t-il, l’Iran exploite un réseau de renseignement en Amérique du Sud... [l’Iran et le Hezbollah] continuent de développer ensemble et sans restriction des réseaux de renseignement et de soutien dans la région. »

 

Selon Levitt, les opérations du Hezbollah dans la région des trois frontières génèreraient à elles-seules 10 à 12 millions de dollars par an. Il ajoute que la région, « surnommée les Nations Unies du crime,  est une cache évidente pour les agents du Hezbollah qui cherchent à développer un réseau de soutien financier et logistique auprès des communautés de la diaspora chiite et libanaise déjà existante. »

 

Fait remarquable dans la région des trois frontières, environ 90 pour cent de la population est d'origine libanaise. Elle arrive par vagues à partir de la fin du 19e siècle et tout au long du 20e siècle, en raison de l’instabilité du Liban. La région des trois frontières offre à de nombreux Libanais syriens l'occasion de relancer leurs activités. Leur présence conduit le Hezbollah à concentrer ses activités dans cette partie du continent.

 

Le Hezbollah adopte un ton de propagande clairement révolutionnaire en Amérique latine, et en particulier dans cette région, à l’image d’autres groupes militants de gauche latino-américains. Cette véhémence s’exprime à la fois dans son slogan de «lutte pour la libération nationale» utilisé pour la première fois dans son opposition à Israël, mais aussi à travers une rhétorique «guerrière» contre les Etats-Unis typiquement sud-américains. L’agenda du Hezbollah attire aussi les partisans de la révolution bolivarienne, comme Hugo Chavez, fondateur du parti socialiste vénézuélien, qui avait déjà tenté de mettre en place une coalition interaméricaine défendant le nationalisme et une économie dirigée par l’Etat.

 

Hugo Chavez et son parti socialiste vénézuélien s’étaient montrés très proches de l’Iran et du Hezbollah, à l’instar de l’ancienne présidente argentine Cristina Kirchner. Plus tard, Nicolas Maduro, accueille au Vénézuela des réfugiés du Hezbollah et négocient avec eux des accords pétroliers. Le pays continue de subir à ce jour la pire crise économique de son histoire tandis que le Hezbollah est parvenu à y installer une base opérationnelle pour ses missions continentales et qu’il cherche à étendre à l’Argentine. La propagande du «Hezbollah argentin» qui semble émerger aujourd'hui est un mélange de progressisme, de révolution bolivarienne, d'anti-américanisme et de volonté de conflit armé.

 

Révélations de l’Institut de recherche des médias du Moyen-Orient

 

En juillet 2020, un rapport de l’Institut de recherche des médias du Moyen-Orient (MEMRI) spécialisé dans la surveillance de contenus publiés par différents médias régionaux, affirme, preuves à l’appui, que le régime iranien et le Hezbollah ont établi ensemble un réseau d’organes de presse qui relaient leur discours vers le public sud-américain, et en particulier la population argentine. 

 

Cette étude s’intéresse particulièrement à l’Organisation pour la libération d’Argentine (OLA), un groupe de lobbying politique dirigé par des chiites argentins. Fondé en 2012, le groupe ne cache pas son soutien pour le régime iranien et ambitionne d’exporter ses principes révolutionnaires en Argentine. L’organisation s’est installée dans la province de Jujuy, au nord de l’Argentine. L’OLA applique la même stratégie que le Hezbollah pour conserver sa base de soutien, en proposant une aide sociale aux familles démunies de la région en échange de leur participation aux activités politiques de l’OLA. 

 

D’après les chercheurs du MEMRI « Depuis sa création en 2012, l’OLA continue de soutenir ouvertement le Hezbollah, mandatée par l’Iran, bien que l’Argentine a officiellement désigné le Hezbollah entité terroriste en juillet 2019 – une décision critiquée par l’OLA. Elle aussi soutient la révolution islamique iranienne et ses dirigeants. Son discours politique a totalement absorbé les principes, les intentions et la terminologie du Hezbollah. »

 

Les cadres dirigeants de l’OLA relaient les discours et les portraits d’officiers iraniens sur leurs réseaux sociaux. L’association qui organise aussi des conférences, émet un programme radio deux fois par semaine depuis son « école de radio » à Jujuy, en partenariat avec le site d’information, infobaires24.com.ar. Ce site diffuse lui-même un discours antiaméricain marqué à gauche, allant jusqu’à inviter à prendre les armes. Le plus souvent, les conférences animées par l’OLA mettent en valeur les objectifs de l’Iran et des communautés chiites de « l’axe de la résistance », en utilisant une imagerie que l’on retrouve chez certains groupes radicaux comme l’arme à feu et l’épée. Dans plusieurs apparitions publiques, le dirigeant de l’OLA, Ali Eric Peralta, est photographié avec un t-shirt à l’effigie du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah.

 

Peralta est aussi le président de l’Académie argentine pour la réflexion stratégique, qui semble également diffuser l’idéologie de l’OLA. Pour lui, il existe la lutte pour la libération de l’Argentine de « l’hégémonie » américaine et la révolution iranienne sont intimement liés. En 2015, dans un message sur facebook, il décrit le rôle « fondamental » qu’ont joué le Hezbollah et l’Iran pour le maintien de « l’équilibre des forces » dans les pays du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. « Il est évident que l’Occident cherche à imposer un apartheid mondial favorisé par l’axe sioniste-américain ajoute-t-il... Les revendications du Hezbollah et son influence sur la scène régionale... ne résultent d’aucune tentative d’idéalisation, mais bien des limites que ces puissances insolentes imposent à tous ».

 

Plus inquiétant encore, dans un autre message publié sur Facebook le 17 mai 2020, Ali Eric Peralta invite ses abonnés à écouter une émission de radio présentée par Mohsen Ali, un disciple de Mohsen Rabbani, fervent partisan du Hezbollah et à la tête de la Maison de la diffusion de l’Islam à Buenos Aires, une organisation dédiée à la promotion de la culture islamique en Argentine.

 

L’OLA se réfère fréquemment aux discours de représentants du régime iranien sur des sujets d’actualité mondiale. Le 30 janvier 2020 par exemple, l’OLA a partagé une affiche du chef suprême iranien Ayatollah Khamenei citant l’une de ses déclarations: « Ne pensez pas que la destruction du régime sioniste est impossible. Rien n’est impossible dans ce monde. » Derrière Khameini, sur la photo du poster, apparaissent l’ancien commandant des forces Al-Qods, Ghassem Soleimani, et Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah.

 

Promotion du Hezbollah sur les médias argentins

 

L’OLA et Mohsen Ali Rabbani sont loin d’être les seuls à faire l’apologie du Hezbollah en Argentine. Rabbani compte aussi parmi ses intimes Luis D’Elia, un activiste argentin et ex-politicien qui a financé un mouvement violent associé à la Centrale des travailleurs argentins. Décrit comme «le porte-parole officieux du gouvernement iranien en Argentine» par le site d’information modéré Infobae, D’Elia était aussi en bons termes avec l’ancien président iranien Mahmoud Ahmadinejad.

 

Dans un entretien avec l’historien Eduardo Vior diffusé sur la station de radio, Cooperativa AM770, D’Elia dit de l’Iran qu’il est un « conquérant qui refait surface pour inquiéter Israël et les États-Unis ». Sur cette même radio, un journaliste remet en cause la désignation du Hezbollah comme organisation terroriste : il estime que la décision du gouvernement argentin « n’apporte rien ».

 

En 2017, Luis D’Elia est arrêté et poursuivi en justice dans le cadre de l’enquête du procureur Nisman, pour avoir dissimulé la participation de l’Iran à l’attaque de l’AMIA. D’après les enregistrements de 40 000  communications téléphoniques, D’Elia a joué les intermédiaires entre l’ancienne présidente Cristina Kirchner et le régime iranien dans des négociations visant à atténuer le rôle de l’Iran dans le procès. D’Elia sort de prison en 2017. Il sera jugé en homme libre,  après que les juges ont écarté le risque d’une fuite.

 

De nombreux autres médias argentins s’emploient à la fois à diffuser la doctrine terroriste du Hezbollah et à discréditer les journalistes et politiciens qui dénoncent la présence du Hezbollah dans le pays. Parmi eux, l'Agence Paco Urondo ou APU, qui affiche fièrement sa mission de «journalisme militant» et son «combat au nom de la liberté», défend une vision anti-américaine des partis de gauche de la région. L’APU a été créée en 2005 et s’est rapidement mise au service du premier gouvernement de Nestor Kirchner. A travers son nom, il rend hommage à Pacro Urondo, chef d’une guérilla active dans les années soixante-dix assassiné pendant la dictature argentine de 1976. Le média compte près de 130 000 abonnés sur sa page Facebook.

 

L’APU affiche son soutien pour le Hezbollah qu’il dépeint comme un parti démocratique. Dans l’un de ses article, la journaliste libanaise Tamara Lari critique la désignation du Hezbollah et déclare sans ambages que «Le Hezbollah est un parti pourvu de trois ministres et règne au Liban». Le média porte également un jugement négatif sur Israël et nie la complicité de l’Iran dans l’attentat de l’AMIA. Enfin, une partie du site de l’APU est spécialement dédiée à la promotion des relations entre l’Argentine et l’Iran. 

 

Non loin du bastion du Hezbollah dans la zone des trois frontières, un autre média d’information en ligne valorise les activités du Hezbollah dans des articles écrits par des blogueurs affiliés au mouvement. La Redacción Rosario, un site web détenu par une coopérative, travaille en étroite collaboration avec une émission de radio locale, Pirate News, et un journal hebdomadaire, El Eslabon, suivi par 15 000 abonnés sur Facebook. 

 

D’autres organes de presse argentins classiaues apportent un soutien tacite à certaines déclarations du Hezbollah et de l’Iran. Parmi eux, le Tiempo Argentino appartient à l’homme d’affaires Sergio Szpolki, proche de l’ancienne présidente Crisitna Kirchner. 45 00 personnes le lisent chaque semaine. Pour l’un de ses journalistes, Alberto López Girondo, le Hezbollah n’est en aucun cas un groupe terroriste, malgré les preuves qui montrent le contraire. « Disposer d’une armée n’a pas nécessairement à dessein de commettre des actes terroristes. » justifie-t-il souvent.

 

La chaîne d'information C5N et le site d'information Minuto Uno qui attire plus de 12 millions de visiteurs chaque mois, se sont tous deux faits financer sous la présidence de Cristina Kirchner par Cristobal Lopez, un autre homme d'affaires très proche de l’ancienne présidente et emprisonné pour corruption. Ces médias adoptent également une posture favorable au Hezbollah, comme en atteste leur couverture de l’arrestation de deux partisans du Hezbollah en 2018. «Les parents des partisans présumés du Hezbollah parlent: « Nous ne sommes pas des terroristes, nous sommes musulmans » » titre le Minuto Uno. Pendant ce temps, d'autres médias établissent clairement le lien entre les frères arretés  et le Hezbollah.

 

Les « cheerleaders » du Hezbollah sur les réseaux sociaux

 

Une rapide inspection de Facebook suffit à révéler la présence de multiples groupes pro-Hezbollah. Parmi eux, la page «Calma Pueblo», dont les créateurs n'ont pas pu être identifiés, compte quelques 50 000 abonnés. Lancée en 2019, elle partage des informations sur la lutte armée du Hezbollah et sur la révolution iranienne.

 

Dans une publication datée du 7 août 2019, Calma Pueblo s’enthousiasme: «Le Hezbollah est un mouvement de résistance qui défend la souveraineté de son pays et affronte l'impérialisme». Le 28 mai 2020, on peut cette fois lire que «Les recommandations du chef du Hezbollah peuvent être appliquées en Amérique latine car nous menons avec le Moyen-Orient le même combat, contre les mêmes ennemis ». La page est illustrée de nombreuses citations et images à l’effigie des dirigeants du Hezbollah et de la République islamique - y compris du chef spirituel de la révolution islamique l’ayatollah Khomeiny.

 

Le Hezbollah et la république islamique infiltrent une école de journalisme 

 

Le traitement de l’information liée au Hezbollah est pourtant relativement précautionneux dans certains milieux journalistiques argentins. Il n’est donc pas anodin qu’un institut de formation pour jeunes reporters développe de nouveaux liens avec l'Iran. Florencia Saintout, devenue la doyenne de l'École de journalisme de l'Université de La Plata - l'une des meilleures d'Argentine – profite en 2010 de sa position nouvellement acquise pour faire intervenir un nouveau groupe d’intervenants controversés, liés à la République islamique.

 

En 2011, les services de renseignement argentin passent au crible les liens de Saintout avec l'Iran tant ils semblent manifestes. Dans une entretien datant de 2014, Saintout déclare par exemple que « les problèmes entre l'Iran et l'Argentine ont été créés par des pays étrangers. Nous devrions prendre des mesures de coopération conjointes pour les éliminer».

 

Profitant du soutien de l'Université de Téhéran et de l'ambassade d'Iran à Buenos Aires, Saintout organise une série de séminaires à La Plata avec Farhad Rahbar, président du conseil d'administration de l'Université islamique d’Azad basée à Téhéran, et le controversé Sheikh Abdala Madani, de l’Association islamique d’Argentine (ASAI). Cette dernière organisation, composée en grande partie de convertis chiites, travaille en étroite collaboration avec l'ambassade iranienne. Le département des affaires internationales de l’université a depuis mis en place plusieurs cours sur la culture islamique, allant jusqu’à inviter Mohsen Baharvand, vice-ministre iranien des affaires étrangères chargé des affaires juridiques et internationales, a participer au jury d’une thèse de doctorat d’un étudiant de La Plata. Des cadres du Hezbollah ont également pu intervenir lors de conférences à l'université.

 

En Octobre 2019, des journalistes du site Realpolitik accusent directement Saintout d'avoir invité le Hezbollah à s’installer à La Plata. «Les liens entre Saintout et le régime iranien pourraient favoriser l’implantation de cellules terroristes à La Plata», écrivent-ils dans l’un de leur article. 

 

Et maintenant?

 

La présence du Hezbollah en Amérique latine devrait inquiéter d’avantage les services de sécurité des trois pays de la région des trois frontières. Elle requiert une action organisée et coordonnée pour contrer cette menace, non seulement en raison des risques qu'elle présente en matière de trafic de stupéfiants, d’enlèvements et d’autres activités illégales, mais aussi pour éradiquer son influence constante sur les médias argentins et au sein de communautés locales. Celle-ci a pu grandir grâce à des relais communautaires qui profitent des difficultés rencontrées par certains citoyens pour les endoctriner. Il est vital d’informer ces communautés et de partager avec elles les preuves d’actions macabres réalisées par ces groupes terroristes, afin d’éviter à l’Argentine et à d’autres pays d’Amérique latine qu’ils ne s’engagent sur une voix dont ils ne pourraient revenir.

 

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