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Violence domestique en hausse en Iran

novembre 25, 2020
Un journaliste citoyen d’IranWire
Lecture de 7 minutes
Human Rights Watch appelle la République islamique à faire appliquer la loi sur l’interdiction des violences faites aux femmes dans les plus brefs délais.
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Des cas de violences domestique physique font les gros titres en Iran depuis plusieurs semaines. Certains auront causé la mort de plusieurs femmes et jeunes filles
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Les femmes au foyer sont exposées à toutes sortes de violences physiques, verbales, sexuelles, économiques
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Cet article a été rédigé par un journaliste citoyen résidant à Ispahan sous le pseudonyme Setareh Soltani.

Plusieurs cas de violence domestique ont été rapportés par les médias iraniens ces derniers mois. Selon plusieurs associations, ces affaires font de plus en plus de victimes et se multiplient au fur et à mesure que la pandémie de coronavirus s’installe en Iran et dans le monde.

Loin des gros titres, elles restent non signalés et cachées. IranWire revient ici sur les parcours de ces femmes iraniennes victimes de violence domestique, psychologique, verbale, sexuelle et économiques.

***

À la fin de chaque mois, elle se rend chez son comptable et lui demande, embarrassée: « Je suis désolée. Puis-je vous demander combien j'ai reçu? »

Narges est infirmière et travaille dans un hôpital gouvernemental depuis de nombreuses années.

«Mon compte bancaire, sur lequel mon salaire est versé, est chez mon mari, explique-t-elle. Je ne sais pas combien je suis payée. Il me donne un petit montant pour mes dépenses tous les mois et... » Elle s'interrompt, prend une profonde inspiration puis reprend: « Je n'ose pas demander combien j'ai été payée. Quand je proteste, il dit: "Tu veux que je t’empêche d'aller travailler et me faire regretter de ne pas te prendre ta retraite?"

A 42 ans, Narges travaille depuis plus de vingt ans. « Cela faisait presque six mois que je travaillais quand nous nous sommes mariés. »

« Il a été gentil au début, disant que nous devrions regrouper notre argent. C'est pourquoi j'ai cotisé mon salaire et je le lui ai offert. Il était gentil et reconnaissant, mais après quelques mois, c'est devenu un devoir. « 

J’ai parlé de la situation de Narges à un psychologue à Téhéran. «La violence imposée à Narges et à d'autres femmes dans sa situation est appelée violence économique: des hommes qui ne permettent pas aux femmes de jouir de leur indépendance financière. Elles sont maltraitées financièrement et toujours en difficulté », m’explique le psychologue en question.  

Ce dernier ajoute que la violence domestique peut prendre différentes formes et que peu de gens en ont conscience en Iran. Il ajoute que « De nombreuses femmes qui passent le plus clair de leur temps à la maison sont exposées à toutes sortes de violences verbales, sexuelles et économiques, et pire, elles ne savent même pas qu'elles sont maltraitées ».

De son côté, il aura fallu 20 ans pour que Masoumeh commence à nommer son calvaire : de la violence domestique. Elle se tait un instant puis me raconte: « Il ne me frappe pas, mais il se moque de moi devant tout le monde. Il se moque de tout ce que je fais et en fait des caisses. Il m'insulte et m'humilie. Tout le monde le regarde comme si c'était une blague, mais son comportement avec moi laisse les autres penser que je suis une personne maladroite, faible et stupide. »

Sa famille a aussi fini par constater les changements : elle est différente de la personne qu'elle était il y a 20 ans. « J'étais une fille heureuse et énergique; j’avais tout pour réussir et je pouvais déplacer des montagnes. Tout le monde disait que j’étais la chef. Mais maintenant je sens que je ne peux rien faire . Je ne crois pas du tout en moi. »

Il y a quelques mois, après vingt ans de vie commune, elle souhaité se rendre chez un conseiller conjugal avec son époux. C’est à ce moment-là qu’elle a réalisé qu'elle avait été victime de violence pendant des années : «Il m'a rendu antisociale; je veux dire, quand nous nous préparons à aller à une fête, je suis stressé par ce qu'il va dire de moi ». Le conseiller lui explique que causer intentionnellement du stress à quelqu’un est une forme de violence psychologique.

Aujourd'hui, Masoumeh en apprend davantage sur les types de violence et comment y faire face. «Je parle à un conseiller. Je lis des livres. J'écoute un podcast et j'étudie la pleine conscience pour retrouver la confiance que j’avais perdue. »

J'ai parlé à une autre femme, Suraya, qui dit que son ex-mari l'avait forcée à plusieurs reprises à avoir des relations sexuelles. «J'ai vraiment souffert pendant deux ans et enduré toutes sortes de violences sexuelles. Mon mari regardait des films pornographiques et voulait ensuite essayer tout ce qu'il voyait sur moi, m'attacher au lit et me fouetter pendant les rapports sexuels, en passant par le versement de bougies fondues sur mon corps. Il a fait ça pendant deux ans », raconte-t-elle ajoutant que cela avait été fait sans son consentement et alors qu'il était clair qu'elle souffrait. « Ma famille est très traditionnelle et n’a aucune compréhension de ce que peut être la violence sexuelle. Ils ont dit que la femme devrait être obéissante au lit, et ils pensaient que c'était mon problème. » Elle a dû faire de gros efforts pour obtenir le divorce.

Un psychologue vivant à Natanz dit que la plupart de ses clients ont été victimes d'abus sexuels à un moment de leur vie. « Malheureusement, la plupart des femmess qui viennent me voir ne sont pas satisfaits de l'aspect sexuel de leur relation conjugale. Beaucoup d'entre eux sont forcés d'accepter une relation violente où le sexe leur est imposé et ne savent même pas qu'il s'agit d'une forme de violence contre eux. Elles ont accepté qu'en tant que femmes, elles doivent répondre aux besoins sexuels de leur mari à tout moment et en toutes circonstances. "

Selon le psychologue, les femmes issues de milieux traditionnels et religieux ont subi plus de violences sexuelles que les autres. Lorsqu'elle leur demande si elles étaient satisfaites de leur vie sexuelle, il est clair qu’elles n’avaient pas l'habitude d'y réfléchir en fonction de leur propre satisfaction. «Elles considéraient le sexe davantage comme un devoir. Elles parlent de la question de l’obéissance dans l’islam et se réfèrent à divers récits et hadiths, comme par exemple le fait qu’une femme doit répondre aux besoins de son mari "même sur la bosse d’un chameau"» - en toute circonstance. »

Le système et la culture patriarcaux de la République islamique favorisent l’idée qu’une femme doit obéir en matière de sexualité et faire tout ce qu’on lui demande de faire, explique la psychologue. Elle détaille : « Lorsqu'un représentant religieux s’exprime à la télévision, il demande aux femmes de porter des jupes courtes et d’essayer d'être sexy pour leurs maris afin qu'ils aient des relations sexuelles avec elles; un autre conseille d'apporter de l'eau et un bol pour laver les pieds de leur mari avec du sel et de l'eau de rose et ainsi de suite. A quoi d'autre peut-on s'attendre? »

Les violences contre les femmes sont multiples et ne se limitent pas à un segment particulier de la société: « L'une de mes clientes était médecin et a été agressée physiquement et verbalement par son mari. Elle a même été interdite de pratiquer la médecine. Elle avait étudié pendant sept ans, mais on lui a retiré le droit de travailler et d'étudier. Son mari était issu des couches aisées de la société, donc il la calmait à chaque fois avec de l'argent et des bijoux. »

Un autre psychologue vivant à Ispahan confirme les propos de son collègue. « Malheureusement, je dois dire que dans notre pays, les problèmes sexuels et la discrimination fondée sur le sexe ne se limitent pas du tout à un certain groupe de personnes. L'éducation universitaire n'a pas été très efficace pour éliminer ce désordre dans différentes sections de la société et dans les universités, dit-il. Il y a aussi des problèmes dans les centres éducatifs. Dans l'éducation des enfants, en particulier des garçons, le comportement de la famille et des parents joue un rôle majeur. La société a aussi un impact sur les individus. Il n'y a pas de statistiques précises à ce sujet car il n'est pas possible de mener des recherches sur le terrain sur le nombre d'incidents de violence et de harcèlement sexuels, verbaux, économiques et sexistes. En revanche, la plupart des victimes de ces violences choisissent le silence comme solution. Je me rends compte avec mon travail que, malheureusement, ce problème est en augmentation dans différentes couches de la société chaque jour. Il augmente et la solution la plus efficace est de parler des différents cas. Dans le cas contraire, si le problème n'est pas réglé, les effets de ce harcèlement resteront chez la personne maltraitée pour le reste de sa vie. »

 

 

 

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