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Comment Khamenei est-il devenu Guide suprême ?

novembre 6, 2020
Ehsan Mehrabi
Lecture de 8 minutes
Présentation du livre Histoire d’un leader de Yasser Jebraili, militant iranien principaliste et expert en économie politique.
Présentation du livre Histoire d’un leader de Yasser Jebraili, militant iranien principaliste et expert en économie politique.
Présentation du livre Une Élection documentée, publié par le Centre de documentation de la Révolution islamique, qui se trouve sous l'égide du Guide suprême lui-même.
Présentation du livre Une Élection documentée, publié par le Centre de documentation de la Révolution islamique, qui se trouve sous l'égide du Guide suprême lui-même.

 

Khamenei.com fait le bilan des 31 années qu’Ali Khamenei a passées au poste de Guide suprême de la République islamique. Cette série d'articles s'intéresse à l'un des leaders les plus secrets de la planète. Les informations sur sa vie privée sont rares et, à l'exception de son fils Mojtaba dont le nom est apparu dans la presse ces dernières années, les médias ont rarement publié des informations ou des photos de sa famille.
Ce mystère n'entoure pas seulement la vie privée du Guide suprême et de sa famille. Aujourd'hui, trois décennies après son accession au plus haut poste de la République islamique, des vidéos font surface et révèlent que son mandat n’aurait dû durer que quelques mois.

Autres zones d’ombres : des groupes d’affaires et institutions contrôlées par le Khamenei constituent l’un des secteurs les plus secrets de l’économie iranienne. Leurs transactions financières, leurs pertes et leurs profits n’ont jamais été rendues publiques. Même en politique, Khamenei refuse d'agir de manière transparente. A chaque occasion qui lui a été donnée, il a fui ses responsabilités. 

La série de reportages khamenei.com tente de décrypter le mystère Khamenei.

***
L'ayatollah Ali Khamenei a été élu Guide suprême de la République islamique d'Iran il y a déjà plus de 30 ans. Et pourtant, depuis, aucune information sur le déroulement des deux réunions de l'Assemblée des experts au cours desquelles s’est organisée sa nomination n’avait jamais fuité. Ce secret et le silence des participants ont parfois permis aux médias, et aux groupes subordonnés à Khamenei, de raconter leur version des faits. Deux livres ont été publiés à ce jour sur le sujet.

Le premier, intitulé Histoire d’un leader, est écrit par Yasser Jebraili, un spécialiste d'économie politique et militant du courant principaliste, c’est-à-dire un partisan conservateur du Guide suprême. Le deuxième livre, intitulé Une Élection documentée, a été publié par le Centre de documentation de la Révolution islamique, organisme sous tutelle du Guide suprême lui-même.

Selon Mohsen Kadivar, spécialiste d'études islamiques et critique virulent du régime iranien, les deux livres répondent aux questions qui se sont posées après la diffusion de plusieurs vidéos de courte durée sur Facebook par Shahed Alavi, un journaliste iranien vivant à Washington. 28 ans après les faits, ces vidéos montrent des extraits des séances de l'Assemblée des experts au cours desquelles Khamenei a été choisi comme successeur de l'ayatollah Khomeiny, le fondateur de la République islamique.

Dans l'une de ces vidéos, Khamenei déclare ne pas être qualifié pour devenir Guide suprême : «Nous devons vraiment verser des larmes de sang pour la communauté islamique si nous parlons même de la possibilité [de choisir comme Guide suprême] quelqu'un comme votre serviteur».
Une mesure temporaire

Selon ces vidéos, il était prévu que le mandat de Khamenei soit temporaire, l'Assemblée des experts devant finaliser sa décision quelques semaines plus tard, après un référendum sur la modification de la constitution. Le peuple iranien n’en saura jamais rien.

Les partisans de Khamenei ont vivement critiqué la publication de ces vidéos. Morteza Moghtadaei, membre de l'Assemblée des experts, les a qualifiés d'« acte de trahison ». Il a ajouté que les procès verbaux de ces réunions étaient confidentiels, et leur publication préjudiciable aux intérêts du pays et à l’ayatollah Khamenei « qui a interdit leur diffusion, même de façon parcellaire ».

Le verrouillage de ces comptes-rendus fut tel que même les membres de l'Assemblée des experts n’ont pu y accéder. Avant son décès en 2017, l'ancien président iranien, Akbar Hachemi Rafsandjani, a assuré que même lui, pourtant vice-président de l'Assemblée des experts à l'époque, n'avait pas été autorisé à les consulter.

Dans une interview accordée à la revue trimestrielle du gouvernement islamique publiée par l'Assemblée des experts, l’un de ses anciens membres, Ebrahim Amini, a confirmé à son tour que « les comptes rendus de ces réunions restent classifiés et n'ont pas été publiés pour le moment ». Il semble que Khamenei soit la seule personne à y avoir accès et qu’il les garderait dans « son coffre-fort » selon Kadivar.

Les efforts de Mohsen Kadivar pour se procurer ces fameux procès verbaux n’ont pas été fructueux, mais il a déclaré avoir pu trouvé dans des archives des indices expliquant pourquoi l'ayatollah Khamenei a ordonné que les dossiers portant sur  sa nomination restent sous scellés. Ces documents et ses enquêtes seront publiés dans son prochain livre Destituer l'Assemblée d'experts et des leaders de la République islamique (1982-1991): lumière sur la chambre noire de l'Assemblée des experts.

Critères sur-mesure

L'une des trouvailles du livre de Kadivar déplaira probablement à Khamenei et à ses partisans. On peut y lire que Khamenei n’avait simplement pas les compétences nécessaires pour devenir Guide suprême, tel que le définit le concept du Velayat-e Faqih ou de « juriste théologien », au cœur de la République islamique. Khamenei n'était pas un marja, c’est-à-dire une autorité religieuse officielle ou « source d'émulation » pour les fidèles chiites. La constitution iranienne exigeait par exemple que le Guide suprême soit un marja et Khamenei aurait fait exception si quelques semaines plus tard, en juillet 1989, la nouvelle constitution adoptée par référendum n’ait pas annulé cette clause. Une lettre signée de son prédécesseur, l'ayatollah Khomeiny avant sa mort, en avait fait la demande.

Khamenei est donc devenu Guide suprême, une fois cette constitution validée par le peuple, et renforcé symboliquement dans son rôle par les témoignages d'« allégeance » et lettres de créances qu’il reçut de diverses institutions et personnalités politiques de la République islamique.

Pourtant, trois ans plus tôt, en 1986 Khamenei avait lui-même mis en garde l'Assemblée des experts sur le choix d'un non-marja comme Guide suprême.

Corruption des adversaires

Quelques informations gênantes, dont Khamenei ne souhaite probablement pas qu’elles soient révélées, figurent toutefois dans les comptes-rendus des débats. Il s’agit principalement des noms des membres de l'Assemblée des experts qui n'ont pas voté pour lui, mais aussi ceux de certains experts qui auraient été influencés. L'un d'eux, Mohammad Bagher Kani, frère de l'ayatollah Mohammad Reza Kani, ancien Premier ministre par intérim et futur président de l'Assemblée des experts, avait quitté la séance pour éviter de voter.

Après la mort de son frère en 2014, Mohammad Bagher Kani était nommé directeur de l'Université Imam Sadegh de Téhéran. Son fils, Mesbah-al-Hoda, est le gendre de l'ayatollah Khamenei. Un autre de ses fils, Ali, était l'adjoint de l’ancien haut secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale du pays, Saïd Jalili, et il est désormais secrétaire du Haut Conseil des droits de l'homme.

Sur les 80 membres que comptait l'Assemblée des experts en 1989, 74 avaient répondu à l’appel le jour du vote. 56 d’entre eux ont voté à main levée pour nommer Khamenei Guide suprême intérimaire. Ce chiffre ne concorde pas avec les 60 votes en faveur de Khamenei comptabilisés par Hachemi Rafsandjani.

Le 6 août 1989, après l'adoption par référendum de la nouvelle constitution, l'Assemblée des experts se réunissait une seconde fois pour choisir le nouveau Guide suprême permanent. Pendant la séance, ils n’étaient plus que 64 membres présents, parmi lesquels seuls quatre votaient contre Khamenei. Si l’on peut supposer que les membres qui ne s’étaient pas exprimé en sa faveur lors de la première séance étaient absents de la seconde, leur décision de ne pas assister à la séance reste floue.

L’élection de Khamenei tiendrait en partie aux propos flatteurs tenus à son sujet par le fondateur de la Révolution, l'ayatollah Khomeiny. Différentes histoires et anecdotes ont été diffusées par les partisans de Khamenei sur le lien amical particulier qu’il aurait entretenu avec son prédécesseur, mais d'après les dires de la fille de Khamenei, Zahra, et ceux du grand ayatollah Abdul-Karim Moussavi Ardebili, Khomeiny avait prononcé les mêmes éloges à l'égard de chacun des chefs des trois branches du gouvernement : Ardebili, mais aussi Akbar Hachemi Rafsandjani et Ali Khamenei, alors respectivement président du Parlement et président de la République islamique, un rang inférieur à celui du Guide suprême.

Khomeiny voulait-il un autre successeur?

En juin 2020, Mohammad Hachemi, frère d'Akbar Hachemi Rafsandjani, affirmait qu'en 1989, après avoir limogé son successeur désigné, l'ayatollah Hossein-Ali Montazeri, à la suite d'une brouille, Khomeiny, souhaitait que l'Assemblée des experts choisissent finalement Akbar Hachemi Rafsandjani.

« Akbar a été très affecté par le limogeage de M. Montazeri », témoigne son frère. « L'Imam [Khomeiny] a suggéré à l'Assemblée des experts de le choisir, lui, comme adjoint » et proposé d’écrire une lettre pour faire valider cette candidature. « Akbar a pleuré pendant près d ‘une semaine entière en répétant qu’il ne voulait pas de ce poste, continue son frère. A plusieurs reprises, il a supplié l'ayatollah Khomeiny de renoncer à son idée, craignant qu’on ne le pense responsable du renvoi de M. Montazeri. »

Aucun proche de Khamenei n'a réfuté ce témoignage.

La question du second limogeage, celui de l'ayatollah Montazeri, se pose également car Montazeri avait reçu l'approbation de l'Assemblée des experts, seule autorité habilitée à le révoquer. Selon les lois de la République islamique, Khomeiny n’était donc pas autorisé à renvoyer Montazeri. Cette question a été soulevée lors de la réunion d’experts qui a eu lieu après la mort de Khomeiny. Selon l’un des experts, l'Ayatollah Mohammad Hosseini Kashani, Montazeri était légalement le nouveau Guide suprême puisque les conditions de sa destitution n’avaient pas été encadrées par l'article 111 de la constitution.
Ahmad Montazeri, le fils de l’ayatollah Montazeri, rapportera plus tard que l’ayatollah Kashani aurait été interrompu et insulté par Akbar Hachemi Rafsandjani pour ses propos.

Le livre Histoire d’un leader revient aussi sur cet épisode mais dans sa version, l'ayatollah Kashani aurait demandé à l'Assemblée de valider la révocation de l'ayatollah Montazeri avant de choisir un nouveau Guide suprême.
Quant à la candidature de l'ayatollah Hosseini Kashani, celle-ci aurait été disqualifiée par le Conseil des gardiens de la Constitution. Il a fini par être écarté de la scène politique iranienne et n’a pas encore publié ses mémoires.
Malgré tous les efforts des amis d'Ali Khamenei de le présenter comme le candidat le plus proche de Ruhollah Khomeiny, de solides témoignages indiquent que ce dernier ne faisait pas partie de son cercle direct, contrairement à Akbar Hachemi Rafsandjani.

En réalité, les marques d’intérêt de Khomeiny envers son successeur Khameni auraient toujours été indirectes.

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