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Relations USA-Iran: la route sera longue

janvier 18, 2021
Hannah Somerville
Lecture de 13 minutes
Mercredi 20 janvier, Joe Biden devient le 46ème  Président des Etats-Unis.
Mercredi 20 janvier, Joe Biden devient le 46ème Président des Etats-Unis.
Le gouvernement Biden a déjà manifesté son intention de revenir au Plan d’action global conjoint.
Le gouvernement Biden a déjà manifesté son intention de revenir au Plan d’action global conjoint.
Mais l'accord est conditionné au retour en conformité de l'Iran – ce qui est loin d’être acquis.
Mais l'accord est conditionné au retour en conformité de l'Iran – ce qui est loin d’être acquis.

Vendredi 22 janvier 2021

 

Mercredi 20 janvier, Joe Biden est officiellement devenu le 46ème Président des États-Unis. Quelques heures après son arrivée à la Maison Blanche, les États-Unis rejoignaient les accords de Paris sur le climat ; deux jours plus tard, ils réintégraient l'Organisation mondiale de la santé. Tout indique que Joe Biden, démocrate convaincu et ancien vice-président du gouvernement Obama, tiendra ses promesses et adoptera une approche des relations internationales radicalement différente de celle de son prédécesseur, Donald Trump.

Mais alors que les relations américano-iraniennes viennent de connaître les quatre années les plus tumultueuses de leur histoire depuis la révolution islamique de 1979, quelle sera désormais la position des Etats-Unis envers l’Iran ? Le gouvernement de Biden a déjà fait part de son intention de revenir au Plan d'action global conjoint (connu sous l’acronyme anglophone JCPOA ou Joint Comprehensive Plan of Action) de 2015, à condition que Téhéran en respecte à nouveau strictement les termes. Mais comme le dit Antony Blinken, le secrétaire d'État de Biden, « nous en sommes loin ».

IranWire a recueilli les avis de plusieurs experts qui livrent leur vision de la politique iranienne du Président Biden.

L'historien

Relations USA-Iran: la route sera longue

Xiyue Wang est membre du programme Jeane Kirkpatrick Fellow à l'American Enterprise Institute et doctorant en histoire à l'université de Princeton. Comme le libano-américain Nizar Zakka, Xiyue Wang a été arbitrairement détenu à la prison d'Evin, à Téhéran, entre 2016 et 2019, suite à de fausses accusations d'espionnage.

Wang estime que le gouvernement de Biden devrait attendre la fin de l'élection présidentielle iranienne de juin 2021 avant d'envisager un retour à l'accord sur le nucléaire. Selon lui, une tentative de rapprochement serait plus efficace si le Président de la République islamique était un conservateur.

« Il y a un conflit d'intérêts du côté iranien. L’Iran a un besoin idéologique d'hostilité soigneusement dosée avec les États-Unis. Mais aucun pays au monde ne peut survivre sans traiter avec les États-Unis, et il serait faux de penser que les conservateurs iraniens refusent de le faire. En revanche, ils veulent le faire selon leurs propres termes. »

« Le risque, c’est que le gouvernement de Biden continue à croire qu’il existe une dichotomie entre modérés et radicaux. Il y a eu des appels à revenir au JCPOA avant l'élection [l'élection présidentielle iranienne, prévue pour juin 2021], afin d’aider un modéré comme Rohani à être réélu et à consolider ses positions. Mais cette analyse se fonde sur la croyance ahurissante qu’il y a deux ‘camps’, les radicaux et les modérés. Ce n’est pas ma vision des choses. »

« Les premières années de la République islamique ont été très radicales. Les politiciens pragmatiques ont démissionné et depuis, le pays ne respecte plus les règles internationales. Le régime ne fait que ce qui lui plait, même s'il ne peut pas faire grand-chose. Les radicaux comme [l'ayatollah Ruhollah] Khomeiny ne comprenaient pas vraiment le monde moderne. Si l'Iran veut traiter avec la communauté internationale, ce qui est inévitable, il ne peut pas le faire en étant grossier, radical et agressif. Le pays doit présenter un visage un peu plus civilisé. Et c’est là qu’interviennent les modérés. Ils ne constituent pas une force politique indépendante : en Iran, modérés et radicaux servent les mêmes intérêts. Par exemple, [le ministre des affaires étrangères] Javad Zarif utilise la même rhétorique révolutionnaire que les radicaux dans ses discours prononcés en Iran et adressés aux Iraniens, et parfois même dans ses discours en anglais. »

« Malgré cela, le Corps des Gardiens de la révolution islamique (IRGC) craint que les modérés n’obtiennent le capital politique pour devenir indépendants. Quelques mois seulement après la signature du JCPOA [en 2015], les Gardiens de la révolution ont provoqué les Etats-Unis, ce qui a fait perdre à l’Iran tous les bénéfices de l’accord sur le nucléaire. Le message était très clair : le Corps des Gardiens ne voulait pas traiter davantage avec les pays occidentaux. Il serait peut-être préférable pour Biden d’avoir affaire à un conservateur, parce que ce sont les conservateurs qui ont le pouvoir. »

L'analyste : International Crisis Group

Relations USA-Iran: la route sera longue

Ali Vaez est directeur du projet Iran et conseiller du président d'International Crisis Group, une organisation à but non lucratif basée à Bruxelles. Son équipe a tenté de faire le lien entre l'Iran et le groupe P5 + 1 qui a mené les négociations de l’accord sur le nucléaire de 2015 : les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Chine et la Russie, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies, plus l'Allemagne. Vaez était auparavant spécialiste des questions politiques auprès du Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix des Nations Unies.

Selon lui, le gouvernement de Biden devrait revenir aux termes originaux du JCPOA et adopter une approche plus cohérente des droits de l'homme pour restaurer la crédibilité des États-Unis dans la défense de cette cause.

« L’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche a eu un impact immédiat sur le climat politique en Iran. Les radicaux craignent que le retour de Biden aux termes du JCPOA ne renforce leurs adversaires politiques à l'approche des élections présidentielles iraniennes. Ce qui peut expliquer les deux cartons jaunes que le parlement a adressés au ministre des affaires étrangères ou le procès contre le ministre des communications. »

« La période de 'pression maximale' a eu les pires effets possibles : stagnation économique de l'Iran, inquiétude croissante de la communauté internationale au sujet de son programme nucléaire et montée des tensions régionales. Mais l’accord survit malgré tout, ce qui révèle l’efficacité de son principe de base : réduire les activités nucléaires de l’Iran en échange d’un répit économique et d’un allègement des sanctions imposées à cause de ces mêmes activités. Il est essentiel que cet accord soit rétabli, et avec l'arrivée d’un nouveau gouvernement américain sous la présidence de Joe Biden, il peut être viable. »

« Mais il faudra pour cela que Washington et Téhéran, ainsi que les autres acteurs de la négociation, agissent rapidement et en toute bonne foi : une diplomatie qui se limiterait à pousser son avantage et à imposer des demandes supplémentaires de part et d’autres serait une source de dissensions aussi prévisibles qu’évitables. Et le plus tôt sera le mieux, surtout maintenant que le parlement iranien a adopté de nouvelles lois, plaçant une nouvelle bombe à retardement au milieu de ce processus [En décembre 2020, le parlement iranien a approuvé une loi permettant l’accélération du programme nucléaire iranien]. S'il n'y a pas de progrès significatif au cours des prochaines semaines, les tensions augmenteront inévitablement. »

« Malheureusement, la tendance de Trump à ne pas tenir compte des engagements internationaux de son pays a sapé la crédibilité des Etats-Unis. Le nouveau gouvernement devra prouver au monde que les États-Unis sont un partenaire de négociation fiable et que les accords peuvent survivre aux gouvernements - comme c'était la norme aux États-Unis depuis plusieurs décennies. »

« Les sanctions et l’isolement de ces dernières années ont certainement poussé l’Iran dans ses retranchements, en s’appropriant le soutien de la classe moyenne et en renforçant les éléments les plus radicaux et va-t-en-guerre de la République islamique. Si le peuple iranien avait moins de difficulté à joindre les deux bouts, il pourrait se concentrer davantage sur certaines de ses revendications fondamentales, comme la justice et le pluralisme. »

L'analyste : Fondation pour la défense des démocraties (FDD)

Relations USA-Iran: la route sera longue

Reuel Marc Gerecht est membre de la Fondation pour la défense des démocraties, un groupe de réflexion et un institut politique à but non lucratif basé à Washington. Cet ancien officier de la CIA était en charge des cibles iraniennes, et ses recherches portent actuellement sur le Moyen-Orient, le militantisme islamique et la lutte contre le terrorisme. En 2019, la FDD et son directeur Mark Dubowitz ont été qualifiés par la République islamique de « têtes pensantes et exécutants du gouvernement américain ».

Gerecht considère que les termes du JCPOA de 2015 sont imparfaits et que le gouvernement de Biden ne devrait pas précipiter son retour. Il se heurterait d’ailleurs probablement à l’opposition du Congrès. Gerecht pense que les droits de l'homme ne seront pas la priorité du gouvernement de Biden, qui pourrait plutôt se concentrer sur le contrôle des armements.

« On assistera probablement à une sorte de réitération du gouvernement Obama. Il y aura peut-être quelques réserves sur l’Iran - certaines choses ont changé, les États-Unis ont changé, et quand Obama a commencé à dialoguer avec l’Iran en 2012, la Syrie n’avait pas encore sombré dans un bain de sang. Il se peut donc que le nouveau gouvernement comprenne un peu mieux la République islamique, et soit lucide sur son durcissement ces dernières années. »

« Les dispositions initiales du JCPOA, qui permettaient aux Iraniens de conserver leurs centrifugeuses, n'avaient pas beaucoup de sens, et depuis, l'activité nucléaire iranienne s'est encore développée. Si Joe Biden veut vraiment s’emparer du sujet, il doit prendre en compte tous les aspects du programme nucléaire, mais aussi les actions de l'Iran dans la région. Le contrôle des armements ne doit pas se faire au détriment des enjeux régionaux. »

« Le gouvernement de Biden a une orientation transatlantique. Il élabore ses politiques en fonction des relations transatlantiques; si la France, l'Allemagne ou les Britanniques veulent que les États-Unis reviennent à l'accord parce que cela leur permettrait de relancer leurs activités commerciales, les Etats-Unis le prendront en compte. »

« La tendance actuelle est de mettre des dizaines de milliards de dollars sur la table pour séduire les Iraniens et les inciter à respecter à nouveau les termes de l’accord, même si tout le monde sait qu’ils sont imparfaits. Je pense que l’approche des élections iraniennes incitera le gouvernement de Biden à dépenser beaucoup d’argent, et à le faire plus vite. »

« Je pense aussi que pour les pays occidentaux, le prochain Président iranien ne sera pas aussi acceptable que Rohani. Il y a très peu de candidats potentiels, et Rohani était assez singulier : bien qu’il ait été l'un des pères fondateurs de l'État policier clérical, il avait pris soin, ou d’autres l’avaient fait pour lui, de présenter une autre image de lui-même en Occident. Je pense que cela incitera le gouvernement de Biden à être plus généreux, plus rapidement. »

« A mon avis, Biden aura plus ou moins la même politique que Trump envers les milices chiites, il n’y aura pas de changement radical. Il est peu probable qu’il se désengage davantage de Syrie ; Biden sait que la présence des troupes est utile pour éviter d’étendre le territoire contrôlé par ces milices. Mais il veut quand même réduire le budget de la défense. Biden a déclaré publiquement qu'il pensait que l'assassinat de Ghasem Soleimani était une mauvaise idée. Les démocrates sont moins enclins que Trump à déployer les forces américaines et je pense qu'ils n’étendront pas leur présence à l’étranger. Trump était imprévisible, je ne pense pas que ce sera le cas de Biden. »

« Biden ne pourra pas changer la situation des droits de l’homme. Le nouveau gouvernement américain donnera la priorité au contrôle des armements : pour lui, c’est la question des droits de l’homme par excellence, et rien ne sera fait qui pourrait nuire à cet objectif. C’est ce qui s’était passé avec le gouvernement d’Obama. »

Le diplomate

Relations USA-Iran: la route sera longue

Richard Dalton a été membre du corps diplomatique britannique de 1970 jusqu'à sa retraite en 2006. Il a été nommé chef du personnel du ministère des affaires étrangères et du Commonwealth en 1998. Il a été ambassadeur de Grande-Bretagne en Libye à partir de 1999, puis ambassadeur du Royaume-Uni en Iran entre 2003 et 2006. Il est maintenant chercheur associé du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord de Chatham House.

Il pense que le mandat de Donald Trump n’aura aucun impact sur la politique intérieure iranienne, ni sur la volonté (ou non) de l’Iran de négocier avec les Etats-Unis. Selon lui, le gouvernement de Biden devrait revenir le plus vite possible à l’accord sur le nucléaire.

« Les Présidents changent tous les quatre ans, mais les objectifs du système politique iranien sont immuables, quelle que soit la personne au pouvoir.

L’Iran a peut-être aujourd’hui une opportunité d’obtenir des concessions économiques et de se remettre sur une trajectoire plus favorable, mais cela ne modifiera pas l'équilibre entre les forces politiques à l'intérieur du pays. »

« La meilleure solution pour stabiliser à nouveau la région du golfe persique est de revenir à la situation de 2015/2016. Cela empêcherait l'Iran de reconstituer un stock d'uranium enrichi qui pourrait être utilisé à des fins militaires. Et cela fournirait un cadre pour traiter d’autres problèmes qui touchent cette partie du monde. »

« Il faut que les intentions des Etats-Unis envers l’Iran redeviennent crédibles et fiables. Les Etats-Unis n’ont aucun intérêt à utiliser leur influence pour tenter d’obtenir d’autres concessions que celles déjà promises, parce que l'Iran ne fera que camper sur ses positions. Et il n’y a aucune raison de s’inquiéter des élections iraniennes : le Président est le « chef exécutif » du système politique iranien mais il n'a pas de pouvoir de décision. Les grandes lignes de la politique du pays sont établies par le Guide suprême. »

« Je pense que nous verrons plus de continuité que de changement dans l’attitude des Etats-Unis : ils continueront à se méfier des activités de l'Iran dans les pays arabes. Mais l’instabilité qui semblait caractériser Trump devrait disparaître, et l'armée américaine restera extrêmement prudente face à l'Iran. Non pas parce qu'elle n’a pas confiance dans sa capacité de l’écraser, mais à cause de l'incertitude que cela créerait dans la région. »

« Face aux violations des droits de l'homme partout dans le monde, la réaction américaine sera de dénoncer les abus et de demander leur arrêt. Le gouvernement de Biden aura un message cohérent contre les prises d'otages et les exactions envers les journalistes en Iran. Mais les États-Unis n'ont pas de tribune pour faire entendre leur voix ou faire pression sur l’Iran au sujet des droits de l'homme. »

L'ancien otage

Barry Rosen est conseiller principal de United Against Nuclear Iran et directeur exécutif des affaires publiques du Borough of Manhattan Community College. En 1979, au lendemain de la révolution islamique, il était l'un des 53 Américains retenus en otage par des révolutionnaires à l'ambassade des États-Unis à Téhéran. Il n’avait alors que 23 ans. Il milite toujours pour que les survivants soient indemnisés.

Barry Rosen pense que l’éventuel retour au JCPOA ne peut pas être la première préoccupation du gouvernement de Biden car, à lui seul, il ne permettrait pas d’améliorer la situation des droits de l'homme en Iran.

« Je suis favorable à des négociations avec l'Iran sur un grand nombre de sujets, y compris le JCPOA. Mais je veux avant tout que l’Iran arrête d’utiliser les binationaux et d’autres membres de la communauté internationale pour sa « diplomatie des otages », qu’il cesse de les instrumentaliser dans ses relations internationales. Tant que la République islamique n'adhèrera pas à la Convention des Nations Unies contre la prise d'otages, et tant qu’elle continuera à sanctionner les défenseurs des droits de l’homme iraniens, je considèrerai que ces négociations sont inutiles, même s’il existe un réel désir de trouver un compromis sur la question nucléaire. »

« Je n’imagine pas les Etats-Unis enclencher une levée progressive des sanctions avant que l’Iran ne mette fin à ses violations flagrantes des droits de l’homme. Sinon, l’Iran pourrait continuer indéfiniment à kidnapper des innocents. Je ne pense pas que les négociations sur le nucléaire permettent de faire de l’Iran un pays plus ouvert et plus enclin à la diplomatie. Et je ne crois pas à un quelconque ‘’changement de régime’’. Mais le mépris que la République islamique manifeste pour les autres, qu’ils soient étrangers ou iraniens, est insupportable. »

« Le ministre des affaires étrangères Zarif aime dire que les prises d'otages ne sont pas le fait d’acteurs étatiques. Mais ce n’est qu’une stratégie pour couvrir les tribunaux révolutionnaires et les actions extrajudiciaires du Corps des Gardiens de la révolution islamique. Personne ne devrait être dupé par l’image décontractée, occidentale, que Zarif aime montrer aux diplomates américains et occidentaux. En apparence, c’est un diplomate ‘’normal’’, qui parle anglais, mais en réalité, il ne vaut pas mieux que les autres. »

« Enfin, je suis favorable à tout ce qui pourrait aider le peuple iranien frappé par la Covid-19. Les États-Unis doivent contribuer à soulager cette douleur en fournissant des équipements de protection et n’importe quel vaccin capable d’enrayer la pandémie. Ces aides devraient être apportées gratuitement à tous les Iraniens, et pas seulement à l’élite politique du pays. »

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